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 >**GLB :** Lorsque je suis nommé à l’INRP j’ai déjà une quarantaine d’années et une certaine expérience de l’animation d’équipes. Je suis élu à la direction du département en 1990 et c’est une expérience très riche. J’ai eu des échanges passionnants avec des spécialistes d’autres champs – comme Jean-Louis Derouet, Jean Hassenforder ou Annette Bon, des personnes d’une immense culture. L’INRP a été pour moi un autre grand moment de formation et puis aussi, disons-le, de combat, en particulier à partir du moment lors de la délocalisation, liée à des décisions politiques d’aménagement du territoire. >**GLB :** Lorsque je suis nommé à l’INRP j’ai déjà une quarantaine d’années et une certaine expérience de l’animation d’équipes. Je suis élu à la direction du département en 1990 et c’est une expérience très riche. J’ai eu des échanges passionnants avec des spécialistes d’autres champs – comme Jean-Louis Derouet, Jean Hassenforder ou Annette Bon, des personnes d’une immense culture. L’INRP a été pour moi un autre grand moment de formation et puis aussi, disons-le, de combat, en particulier à partir du moment lors de la délocalisation, liée à des décisions politiques d’aménagement du territoire.
  
->Dans le prolongement des lois de décentralisation des années 1980, chaque ministère est prié de délocaliser des structures. À l’Éducation nationale, l’INRP est concernée. +>Dans le prolongement des lois de décentralisation des années 1980, chaque ministère est prié de délocaliser des structures. À l’Éducation nationale, l’INRP est concernée. Cet institut existe depuis très longtemps et a joué un grand rôle dans la circulation d’idées liées à la pédagogie et à l’éducation : il est à l’interface avec le terrain et a une tradition de recherche-action. Ses rapports avec le ministère ne sont pas faciles : un chercheur est le plus souvent critique et a une légitimité assise ailleurs ; les temps de la recherche sont par ailleurs toujours trop longs pour des décideurs pressés qui préfèrent les experts et les avis tranchés. C’est un des thèmes qui m’ont beaucoup intéressé : le rapport qu’ont les chercheurs avec les militants, les praticiens et les décideurs. On peut occuper plusieurs de ces positions, mais pas en même temps que celle de chercheur.
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->Cet institut existe depuis très longtemps et a joué un grand rôle dans la circulation d’idées liées à la pédagogie et à l’éducation : il est à l’interface avec le terrain et a une tradition de recherche-action. Ses rapports avec le ministère ne sont pas faciles : un chercheur est le plus souvent critique et a une légitimité assise ailleurs ; les temps de la recherche sont par ailleurs toujours trop longs pour des décideurs pressés qui préfèrent les experts et les avis tranchés. C’est un des thèmes qui m’ont beaucoup intéressé : le rapport qu’ont les chercheurs avec les militants, les praticiens et les décideurs. On peut occuper plusieurs de ces positions, mais pas en même temps que celle de chercheur.+
  
 >C’est un chemin cahoteux, pour ne pas dire chaotique : on est d’abord supposés partir à Dijon, puis finalement cela ne se fait pas ; on évoque ensuite Marseille ; on parle un temps d’aller boulevard Bessières à Paris et, finalement, sous la mandature de Claude Allègre, on décide que ce sera à Lyon et cela aboutit à Gerland après une station à Saint-Fons les clochettes. Tout cela prend une dizaine d’années. >C’est un chemin cahoteux, pour ne pas dire chaotique : on est d’abord supposés partir à Dijon, puis finalement cela ne se fait pas ; on évoque ensuite Marseille ; on parle un temps d’aller boulevard Bessières à Paris et, finalement, sous la mandature de Claude Allègre, on décide que ce sera à Lyon et cela aboutit à Gerland après une station à Saint-Fons les clochettes. Tout cela prend une dizaine d’années.
  
->Je n’ai pas envie de suivre l’institut dans des conditions qui me paraissaient devoir conduire à son affaiblissement durable (ce qui se réalise). Je travaille cependant à Lyon pendant deux années, à temps partiel pour contribuer à lancer de nouvelles équipes et pour tenter d’assurer une continuité, notamment pour les collègues qui ne veulent pas partir et doivent trouver d’autres occupations correspondant au mieux à leurs souhaits. C’est assez stressant… +>Je n’ai pas envie de suivre l’institut dans des conditions qui me paraissaient devoir conduire à son affaiblissement durable (ce qui se réalise). Je travaille cependant à Lyon pendant deux années, à temps partiel pour contribuer à lancer de nouvelles équipes et pour tenter d’assurer une continuité, notamment pour les collègues qui ne veulent pas partir et doivent trouver d’autres occupations correspondant au mieux à leurs souhaits. C’est assez stressant… Comme d’autres collègues, je suis temporairement affecté en 2004 à ce qui s’appelle alors l’Université René Descartes. Arrivé au laboratoire EDA, je m’y engage et obtiens en 2006 un poste de professeur.
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->Comme d’autres collègues, je suis temporairement affecté en 2004 à ce qui s’appelle alors l’Université René Descartes. Arrivé au laboratoire EDA, je m’y engage et obtiens en 2006 un poste de professeur.+
  
 **SAA :** Après votre élection à l’université Paris Descartes, vous êtes amené à prendre la direction du laboratoire EDA. Que retenez-vous de cette expérience ? **SAA :** Après votre élection à l’université Paris Descartes, vous êtes amené à prendre la direction du laboratoire EDA. Que retenez-vous de cette expérience ?
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 >Plus tard, je me suis présenté plus tard comme professeur, au titre du Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP). À l’époque où j’y siégeais, je suppose que cela doit encore être vrai, on essayait de faire une analyse qualitative des dossiers. L’idée, pour nous, c’était d’aller au-delà des rapports sur les rapports et du comptage de publications, d’analyser les productions un peu en profondeur, de prendre en compte les caractéristiques des dossiers. Le CNU est un lieu de construction collective. C’est en somme la profession elle-même qui pose un cadre et délimite les frontières de la discipline. >Plus tard, je me suis présenté plus tard comme professeur, au titre du Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP). À l’époque où j’y siégeais, je suppose que cela doit encore être vrai, on essayait de faire une analyse qualitative des dossiers. L’idée, pour nous, c’était d’aller au-delà des rapports sur les rapports et du comptage de publications, d’analyser les productions un peu en profondeur, de prendre en compte les caractéristiques des dossiers. Le CNU est un lieu de construction collective. C’est en somme la profession elle-même qui pose un cadre et délimite les frontières de la discipline.
  
->C’est l’occasion d’avoir des dialogues passionnants avec des gens appartenant à la même discipline mais dont les orientations sont différentes des vôtres (sociologie, psychologie, économie, didactiques…). Il y a dans les sciences de l’éducation ce spectre large qui demande des négociations, des régulations internes. C’est une des fonctions d’une association comme l’AECSE, elle permet des échanges entre des points de vue assez différents et facilite la constitution d’une culture commune. +>C’est l’occasion d’avoir des dialogues passionnants avec des gens appartenant à la même discipline mais dont les orientations sont différentes des vôtres (sociologie, psychologie, économie, didactiques…). Il y a dans les sciences de l’éducation ce spectre large qui demande des négociations, des régulations internes. C’est une des fonctions d’une association comme l’AECSE, elle permet des échanges entre des points de vue assez différents et facilite la constitution d’une culture commune. Maintenant, que va devenir le CNU ? Depuis les années 1980, on assiste au développement de ce goût, chez les décideurs, pour le nouveau management public, pour le remplacement du contrôle a priori par une évaluation a posteriori fondée sur un pilotage par des indicateurs. C’est un fait historique très profond, très puissant, mais qui nous fait passer à côté de ce qui n’est pas pris en compte par les indicateurs.
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->Maintenant, que va devenir le CNU ? Depuis les années 1980, on assiste au développement de ce goût, chez les décideurs, pour le nouveau management public, pour le remplacement du contrôle a priori par une évaluation a posteriori fondée sur un pilotage par des indicateurs. C’est un fait historique très profond, très puissant, mais qui nous fait passer à côté de ce qui n’est pas pris en compte par les indicateurs.+
  
 **SAA :** Au cours de votre carrière, vous avez dirigé ou co-dirigé 26 thèses et accompagné 6 habilitations à diriger des recherches (HDR). Quels souvenirs en gardez-vous ? **SAA :** Au cours de votre carrière, vous avez dirigé ou co-dirigé 26 thèses et accompagné 6 habilitations à diriger des recherches (HDR). Quels souvenirs en gardez-vous ?
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 >Maintenant, les instruments informatisés se sont banalisés en dehors de l’école. Je pense qu’à l’heure actuelle il est très important d’étudier ce qui se passe en termes de rencontre entre des apprentissages non formels en réseau et l’éducation institutionnelle qui a ses règles, ses programmes, etc. Les occasions d’apprendre sont si diverses ! Dès les années 1990, on avait d’ailleurs vu des phénomènes intéressants, y compris des élèves qui apprenaient des langues en jouant à des jeux piratés en anglais, des apprentissages non formels de l’histoire. Souvent, cependant, ce qui était appris en dehors de l’école n’était pas valorisé à l’intérieur. >Maintenant, les instruments informatisés se sont banalisés en dehors de l’école. Je pense qu’à l’heure actuelle il est très important d’étudier ce qui se passe en termes de rencontre entre des apprentissages non formels en réseau et l’éducation institutionnelle qui a ses règles, ses programmes, etc. Les occasions d’apprendre sont si diverses ! Dès les années 1990, on avait d’ailleurs vu des phénomènes intéressants, y compris des élèves qui apprenaient des langues en jouant à des jeux piratés en anglais, des apprentissages non formels de l’histoire. Souvent, cependant, ce qui était appris en dehors de l’école n’était pas valorisé à l’intérieur.
  
->Aujourd’hui, une des questions qu’on ne peut pas esquiver est celle d’une possible rupture du modèle scolaire. Cela donne une nouvelle actualité aux travaux d’Ivan Illich qui, dès 1970, prônait une « société sans écoles » ayant recours à des modes d’apprentissage à partir de réseaux d’échanges des savoirs. À cette époque-là, les infrastructures techniques ne le permettaient pas facilement, ce n’est plus le cas maintenant. +>Aujourd’hui, une des questions qu’on ne peut pas esquiver est celle d’une possible rupture du modèle scolaire. Cela donne une nouvelle actualité aux travaux d’Ivan Illich qui, dès 1970, prônait une « société sans écoles » ayant recours à des modes d’apprentissage à partir de réseaux d’échanges des savoirs. À cette époque-là, les infrastructures techniques ne le permettaient pas facilement, ce n’est plus le cas maintenant. Personnellement, je pense, comme Pierre Mœglin, qu’on est malgré tout plutôt dans des situations //continuistes//, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas à court terme de discontinuité durable. Certes, la crise sanitaire actuelle fait bouger les lignes, mais il est trop tôt pour savoir ce qui restera durablement. L’histoire nous dira.
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->Personnellement, je pense, comme Pierre Mœglin, qu’on est malgré tout plutôt dans des situations //continuistes//, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas à court terme de discontinuité durable. Certes, la crise sanitaire actuelle fait bouger les lignes, mais il est trop tôt pour savoir ce qui restera durablement. L’histoire nous dira.+
  
 >Je me suis concentré dans les dernières années sur l’accompagnement et la valorisation de recherches pluridisciplinaires menées avec des réseaux de praticiens. Mon champ de recherche est aussi un champ de pratiques évolutif, qui ne peut pas être embrassé par une seule discipline et qui gagne à donner lieu à des recherches participatives. Bien des gens ont travaillé sur cette question, je pense en particulier à Jacky Beillerot et aussi à Jean-Louis Martinand, avec sa notion de « recherche praxéonomique », par analogie avec la recherche agronomique. Je lui emprunte l’idée que notre rôle de chercheur, c’est surtout de produire des idées qui peuvent être reproblématisées par les acteurs. >Je me suis concentré dans les dernières années sur l’accompagnement et la valorisation de recherches pluridisciplinaires menées avec des réseaux de praticiens. Mon champ de recherche est aussi un champ de pratiques évolutif, qui ne peut pas être embrassé par une seule discipline et qui gagne à donner lieu à des recherches participatives. Bien des gens ont travaillé sur cette question, je pense en particulier à Jacky Beillerot et aussi à Jean-Louis Martinand, avec sa notion de « recherche praxéonomique », par analogie avec la recherche agronomique. Je lui emprunte l’idée que notre rôle de chercheur, c’est surtout de produire des idées qui peuvent être reproblématisées par les acteurs.